Le modèle de développement territorial est basé sur la
création d'une entité productive qui est essentiellement ancrée dans un espace
géographique. Ici, nous allons d'abord identifier comment un territoire se
produit autour d'un système local d'intervenants, avant d'examiner la dynamique
des spécifications du produit.
1.
Émergence du
développement territorial: le système local d'acteurs
Dans le «développement local» (PECQUEUR, 1989), nous avons
constaté que le défi du développement local consistait en
« Démontrant l'existence d'un système qui donne une
valeur à l'efficacité des relations, non exclusivement basées sur le marché,
entre un groupe de personnes pour développer la richesse des ressources dont ils
disposent [...]. Ce retour à la notion de «territoire», dont la manifestation
concrète est le développement local, montre que nous commençons un nouveau
cycle d'industrialisation [...]. Vu dans le cadre d'un processus d'adaptation
aux perspectives de l'économie mondiale, les initiatives à l'échelle locale et
mondiale sont deux facettes de la même procédure d'ajustement»
Il y a quinze ans, on a parlé du développement local,
aujourd'hui, il semble préférable de parler de développement territorial, car
il ne s'agit pas simplement de développement à petite échelle. Ce que nous
entendons par local n'est pas localiste (spécifique à une localité
particulière), nous utiliserons donc le terme territorial.
Sur une première analyse, le développement territorial peut
être défini comme un processus qui mobilise des acteurs qui mène à la création
d'une stratégie d'adaptation aux contraintes extérieures, basée sur
l'identification collective avec une culture ou un territoire. La définition
comprend donc trois assertions, dont chacune exige une explication approfondie.
En bref, le développement territorial ne peut être décrété et reste une
construction entre les acteurs locaux ou les parties prenantes, même si des
politiques publiques appropriées peuvent être utilisées pour le stimuler au fil
du temps. En tant que stratégie d'adaptation aux effets de la mondialisation,
elle permet aux acteurs des différents territoires de réorganiser l'économie
locale en réponse à une concurrence accrue à l'échelle mondiale.
Enfin, le mécanisme de territorialisation repose sur le
principe de l'identification des actifs, c'est-à-dire la recherche d'une
ressource spécifique au territoire qui peut différencier ce territoire de son
voisin plutôt que d'être en concurrence avec la production de biens et de
services standard. Le système territorial des acteurs peut donc prendre des
formes très diverses (districts industriels, clusters ou toute autre forme
d'organisation productive). Sa caractéristique fondamentale est la mise en
place, dans le cadre d'un long programme de développement, d'un processus de
construction par des acteurs locaux. Le processus de développement territorial
n'est donc pas simplement un moyen d'optimiser des actifs déjà connus, mais un
moyen de révéler des ressources jusqu'alors inconnues et c'est à cet égard
qu'il constitue une innovation.
2.
Territoire construit
et territoire donné
Bien que nous ayons déjà défini le type de dynamique
"territorial" comme processus de développement original, nous nous
trouvons confrontés à une difficulté concernant le statut du territoire qui
sert de soutien à ce processus. En réalité, le discours sur le territoire
couvre souvent deux définitions différentes:
·
Territoire donné: c'est la
partie constituée de l'espace (le plus souvent une division infranationale)
objet d'observation. Dans ce cas, nous postulons la préexistence du territoire
et nous analysons ce qui se passe là-bas. D'une certaine manière, c'est le
territoire a priori, pour lequel nous ne cherchons pas à analyser les origines
ou les conditions de la construction, mais qui constitue un soutien.
Généralement, c'est un territoire institutionnel: région, canton, cercle,
province, etc. et
·
Territoire construit: dans
cette perspective, le territoire est le résultat d'un processus de construction
par les acteurs. Le territoire n'est pas postulé, mais il est observé a
posteriori. Cela signifie que le territoire construit n'existe pas partout et
qu'il est possible de trouver des espaces dominés par des lois exogènes de
localisation et qui ne sont pas des territoires.
Dans le discours sur le territoire, les conceptions de la
notion sont souvent confondues et on ne doit pas être exclu en faveur de
l'autre. Il est donc important de comprendre que le territoire est à la fois le
contenant et le résultat du processus de préparation du contenu.
3.
Le processus de
spécification
En concurrence entre les territoires, la fourniture de
services aux entreprises est cruciale. Dans le cas le plus simple, un site
attirera des entreprises en offrant des services basés sur les atouts les plus
abondants: la disponibilité de main-d'œuvre peu coûteuse, non qualifiée, les
ressources naturelles, etc. Souvent, l'emplacement de ces ressources ou leur
rareté régira le type de développement utilisé, comme en témoignent les zones
dont le développement est resté tributaire de la disponibilité du charbon ou de
l'acier ou sur la proximité de la mer ou la présence de terres fertiles.
Cependant, l'offre d'un site peut être basée sur des actifs qui ne sont pas
donnés a priori, mais résultent d'un long processus d'accumulation de
savoir-faire ou de production de biens collectifs financés par l'autorité
locale et affecté uniquement par les utilisateurs. Ce type de caractéristique
est exposé, par exemple, par un site offrant une main-d'œuvre spécialisée et
qualifiée, que les entreprises qui se trouvent sur le site pourront bénéficier
de (BAZIN-BENOÎT, 1996). Il existe une approche stratégique qui correspond à
chacun de ces différents types d'offre.
Les ressources sont donc d'une nature différente selon
qu'ils sont donnés ou construits. Une typologie de ces ressources révélera les
différents défis stratégiques auxquels sont confrontés les fournisseurs de
services, comme les villes. Ceux-ci deviennent des producteurs de valeur et ne
sont plus simplement des producteurs d'espaces de consommation ou de points de
vente, où seules les entreprises seraient des créateurs de valeur. La typologie
que nous avons utilisée ici (pour sa première formulation, voir Colletis,
Pecqueur, 1993) distingue les actifs et les ressources, puis qualifie ces
actifs et ces ressources selon qu'elles sont génériques ou spécifiques.
Par des actifs, on entend des facteurs «en activité», alors
que les ressources sont déjà des facteurs à exploiter, à organiser ou à
révéler. Les ressources, à la différence des actifs, constituent une réserve,
un potentiel latent ou virtuel qui peut être transformé en actifs si les
conditions de production ou de création de technologie le permettent.
Les ressources ou les actifs génériques sont définis par le
fait que leur valeur ou leur potentiel est indépendant de leur participation à
tout processus de production. Les actifs et les ressources sont donc totalement
transférables, leur valeur étant une valeur d'échange. L'endroit où se déroule cet
échange est le marché. Le prix est le critère de mesure de la valeur d'échange,
déterminé par l'interaction de l'offre et de la demande quantifiées. En
d'autres termes, un facteur générique est indépendant de «l'esprit du lieu» où
il est produit.
D'autre part, bien que des actifs spécifiques existent en
tant que tels, leur valeur est fonction de leurs conditions d'utilisation. Les
ressources spécifiques n'existent que dans un état virtuel et en aucun cas
peut être transféré. Ces ressources sont nées de processus
interactifs et sont donc créées dans leur configuration. Ils sont l'expression
du processus cognitif engagé lorsque des acteurs ayant des compétences
différentes produisent de nouvelles connaissances en regroupant ces
compétences. Lorsque des connaissances et un savoir-faire hétérogènes sont
combinés, de nouvelles connaissances sont produites, ce qui peut contribuer à
de nouvelles configurations. La création de technologie est donc le résultat
d'un processus caractérisé par l'émergence de ressources spécifiques résultant
d'un processus cognitif synonyme d'apprentissage interactif.
Les actifs génériques ne permettent pas à un territoire de
se différencier de manière durable puisque, par définition; ils existent
ailleurs et peuvent être transférés. La différenciation durable, ce qui
signifie qu'il est peu probable qu'elle soit remise en cause par la mobilité
des facteurs, ne peut être créée qu'à partir de ressources spécifiques qui ne
peuvent exister indépendamment des conditions dans lesquelles elles sont
créées. Le défi des stratégies de développement territorial est donc
essentiel de comprendre ces conditions et de rechercher et identifier ce
qui constituerait le potentiel identifiable d'un territoire. Ces conditions ne
peuvent être définies de manière abstraite. Ils dépendent du contexte dans
lequel le processus heuristique menant à la création de ressources spécifiques
a lieu.
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